Page d'accueil de Sarif IndustriesUn domaine complètement différent de celui du précédent article, celui du jeu vidéo, mais cependant un type de campagne qui s’en rapproche. Et pas pour n’importe quel jeu, un des meilleurs qui soient à mon avis, Deux Ex Human Revolution.
Cependant le type de campagne est similaire, avec le site web de Sarif Industries (je fais un lien vers la version anglaise du site car les autres langues, peut-être faute de budget, ne sont pas aussi fournies, et sont boguées). Bien entendu cette entreprise n’existe pas, elle fait partie de l’univers du jeu, une entreprise spécialisée dans la création d’implants cybernétiques dont le héros est le chef de la sécurité, et va commencer à se poser des questions sur son employeur, puis de fil en aiguille sur le monde entier, se rendre compte que la démocratie dans laquelle il croit vivre est très relative, notamment à cause d’un fort contrôle des medias… Non seulement ce site est la page d’accueil d’une entreprise fictive, mais qui semble réelle, présentant les différents produits vendus par celle-ci, leurs avantages, des coupures de presse, etc. comme le ferait un vrai site institutionnel, mais elle est placée dans le contexte du jeu, où des entreprises concurrentes et des activistes anti-implants, apparemment défavorables aux implants cybernétiques pour des questions éthiques, sont en guerre contre celle-ci. Ce site est donc supposé piraté par ce groupement d’activistes, et la navigation fonctionne mal, mais c’est fait exprès, avec de nombreux messages anti-implants empêchant d’aller dans les différentes sections si l’on ne va pas assez vite, et qui présentent l’univers du jeu, son contexte. Mais avant même de voir ces messages et de pouvoir commencer à naviguer sur le site, une longue vidéo avec des personnages réels a déjà commencé à nous faire découvrir l’univers du jeu, se présentant comme un reportage contre les implants, lui aussi supposé avoir été placé là par les pirates. Très bien fait, ce faux reportage pousse le vice jusqu’à nous montrer l’utilisation des fameux implants dans le monde réel, tel que des athlètes courant avec des jambes artificielles, qui ont été modélisées pour l’occasion. Ce faux reportage explique notamment que les implants sont une cause supplémentaire de fracture sociale qui ne fait que se creuser, car seuls les riches peuvent se les payer, et cela les rend plus efficaces, et de manière absolument pas naturelle, que les personnes qui n’ont pas assez d’argent pour se les payer. Entre autres. C’est de la fiction, mais c’est à mon avis inquiétant, car on peut clairement imaginer notre société actuelle se diriger vers ce genre de dérive, et je trouve ça bien, un jeu qui fait réfléchir, au même titre qu’un roman d’anticipation. Enfin cela n’est pas l’objet. Etant donne la qualité technique et scénaristique, ainsi que la longueur de cette vidéo, qui n’est pourtant même pas utilisée dans le jeu lui-même (certainement à cause du trop fort contraste qu’il y aurait entre les personnages filmés de celle-ci et les personnages en 3D du jeu), je suppose qu’elle n’a pas été créée seulement pour utilisation dans le site, mais avant tout dans le cadre d’une conférence de presse indiquant la sortie du jeu, tout en laissant planer un mystère. Mais ce n’est que pure spéculation de ma part. Parce que d’un autre côté, cette vidéo étant hébergée sur Youtube, elle est suffisamment bien faite pour faire parler d’elle, créer un buzz, intriguer les gens, de fil en aiguille diriger les gens vers le « mini »-site et au final faire découvrir le jeu.
Et encore une fois ce type de concept permet un double résultat, faire de la publicité pour le jeu, en faisant parler de lui, via le buzz que soulève le site et la vidéo qu’il contient, mais il est aussi reçu comme un cadeau par les fans du jeu, ce qui leur donne une image positive de l’équipe du jeu, et va les inciter à recommander celui-ci, en sus de toutes ses vertus intrinsèques. Le site permet de découvrir l’univers du jeu, mais il permet aussi de creuser celui-ci un peu plus profondément pour ceux qui y ont joué. Avec ce type de campagne marketing la recherche de ces deux types de publics est évidente : le lien partager, avec les boutons Youtube, Facebook et Twitter sont clairement là pour le premier type de public (Mais sachant que les lignes sont floues entre les deux, car les fans peuvent vite devenir ceux qui vont faire de la pub pour le jeu en partageant le lien de la vidéo avec leurs amis). Mais par ailleurs les joueurs sont eux-mêmes incites à visiter le site depuis le jeu via la présence d’intrigants « codes-barres » (ou codes QR, des codes-barres en deux dimensions pour téléphones portables). « Scanner » ce code avec son téléphone, que l’on pourrait croire un simple élément de décor, renvoie vers la page d’accueil de Sarif Industries. Certes, il faut le savoir, ce n’est pas évident, et je l’ai moi-même découvert en cherchant des informations complémentaires sur le jeu, je n’aurais jamais pensé que ces codes QR étaient fonctionnelles. Mais cela ajoute a l’intérêt de la chose, se présentant comme un œuf de pâques qui aurait été déposé par les développeurs (mais c’est clairement beaucoup plus avancé que ça, étant donné le budget qui a dû être alloué au site, à vue d’œil)
Ce n’est pas l’objet de cet article, mais comme il a été entièrement traité, je veux donner quelques informations complémentaires pour ceux qui ne connaissent pas le jeu lui-même et voudraient en savoir plus : c’est un de mes jeux préférés – de l’histoire du jeu vidéo – car il mélange la liberté d’action d’un RPG (jeu de rôle), où l’on doit trouver ce que l’on doit faire en discutant avec les différents protagonistes, et où les choix que l’on va faire vont avoir un impact sur l’histoire. Lors des multiples missions on va osciller entre FPS (jeu de tir à la première personne) et infiltration à la Metal Gear Solid. Mais un style de jeu particulier n’est jamais imposé, c’est au choix du joueur, et on peut aussi mélanger les deux à la fois. Chose que j’apprécie particulièrement a une époque où les jeux ultra-violents sont légion, s’il est possible de faire couler le sang, comme dans n’importe quel jeu de tir à la première personne, il est dès le départ clair que cela n’est pas encouragé par les développeurs du jeu, c’est très clair lors du générique de fin, mais bien avant, dès le départ, via des réactions de dégout de la part de policiers avec lesquels on se retrouve à collaborer lors d’une prise d’otages, par exemple, si l’on a opté pour la voie sanglante. Et il est en outre possible de finir le jeu sans avoir la moindre mort – virtuelle – sur la conscience – sauf lors des phases de combat avec les boss (ce qui a d’ailleurs été regretté par la critique), ce qui est très appréciable, soit en étant suffisamment discret vis-à-vis de ses ennemis, soit en les assommant, soit en utilisant des tranquillisants. Bien que cela soit pratiquement impossible à un moment du jeu qui pose un sérieux cas de conscience, pour un pacifiste, après un véritable carnage perpétré par des mercenaires qui font la loi à Shanghai (je n’en dis pas plus, mais, oui, ce n’est qu’un jeu, mais l’histoire est à ce point creusée qu’elle fait fortement réfléchir). Tout cela agrémenté de la possibilité de s’améliorer cybernétiquement au grès du jeu pour changer son style de jeu radicalement (de la bombe humaine, à l’invisibilité, à la possibilité de sauter deux fois plus haut pour aller dans des endroits autrement inaccessibles, d’atterrir de très haut, de casser des murs pour trouver des chemins alternatifs…) Et cerise sur le gâteau (mais indispensable pour que j’apprécie un jeu), l’histoire est absolument excellente. Il ne faut pas la prendre au premier degré, au pied de la lettre, pour l’apprécier, je trouve absolument ridicules absolument toutes les théories du complot, qui sont signe d’une extrême paranoïa de la part des personnes qui y croient, et qui sont par ailleurs purement liées à la culture Américaine (Aux Etats Unis on peut être attaqué en justice pour préparation de complot. En France ça n’existe pas. Ce serait plutôt pour abus de pouvoir, c’est subtile, mais c’est très différent, et cela explique en partie pourquoi il y a beaucoup moins de paranoïa dans cette partie du globe.) Or ce jeu part du principe que pratiquement toutes les théories du complot sont justifiées, que nous ne sommes pas gouvernés par les gens que nous croyons et pour lesquels nous votons (entre autres). Mais remettons les choses dans leur contexte : c’est un jeu Canadien et non Américain, et c’est une fiction, tout à fait assumée (la manière dont le générique de fin a été imaginée le fait clairement comprendre, de manière surprenante, encore une fois je n’en dis pas plus). Les scénaristes ne croient pas à la théorie du complot. Mais par ce biais ils soulèvent des thématiques inquiétantes, et critiquent la société actuelle par ce biais, comme le ferait un roman d’anticipation. Car si je ne crois pas en la théorie du complot, certaines thématiques abordées dans le jeu sont une orientation plausible et inquiétante de la société future, certes poussées à l’ extrême, mais plausibles. Certaines sont mêmes en partie vraies à l’heure actuelle, encore une fois pas à l’extrême comme dans l’univers du jeu, mais on peut parfois se demander si les marchés n’ont pas plus de pouvoir sur certaines choses que les élus… Enfin bon, je n’en dis pas plus, je recommande fortement ce jeu qui aborde des thématiques très intéressantes, si on ne les prend pas au premier degré, si on les prend pour ce qu’elles sont, une fiction, très aboutie.